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Faut-il réformer la taxe de séjour ?

S ’il est vrai que son champ géographique d’application s’est progressivement élargi, son assiette est restée inchangée malgré l’élargissement et la diversification des acteurs du tourisme. Son produit, collecté et/ou versé par les seules entreprises de l’hébergement est basé surtout sur du déclaratif et utilisé de façon discrétionnaire par les élus locaux qui décident de son instauration, de l’application du régime du « réel » ou du forfait, des taux applicables dans les limites fixées par décret, et surtout déterminent à leur guise l’affectation du produit de la récolte, sans toujours respecter les obligations légales ni l’esprit qui les oriente. L’aggiornamento de la taxe de séjour, s’il semble inéluctable, doit cependant être conduit avec prudence et dans un esprit de large consensus. Il pourrait concerner différents points. Le champ territorial : il n’est pas proposé de rendre l’instauration de la taxe obligatoire, mais d’en réexaminer le mécanisme en particulier pour résoudre les difficultés nées de la loi NOTRe. Entre l’échelon communal, maître de son instauration et l’échelon intercommunal, dépositaire de la compétence touristique, la loi Notre a créé une incohérence grave puisqu’elle interdit aux seules communes d’agir en faveur du tourisme mais n’a pas transféré la perception de la recette à l’échelon intercommunal, désormais compétent pour agir. L’assiette se limite de fait aujourd’hui à une fraction de l’hébergement : l’hôtellerie ne reçoit que 20 % des nuitées « marchandes ». Elle verse cependant à elle seule plus des trois quarts de la taxe. Les autres modes d’hébergement, qui représentent à l’inverse 80 % du réceptif, ne contribuent que pour 20 % au produit car une grande partie – dont beaucoup prétendument non-marchand – n’y contribue pas dans les faits. Or leurs clients bénéficient, tout autant que ceux des autres modes d’hébergement, des services et de l’accueil assurés dans les territoires. La première proposition vise donc notamment à « remplir » progressivement la partie de l’assiette constituée des différentes catégories de meublés, qu’ils soient commercialisés par le canal de plates-formes numériques ou non. Une extension éventuelle de l’assiette à d’autres services touristiques, souvent évoquée, pose de nombreuses questions d’opportunité, de fond et de méthode afin de ne pas aboutir à une nouvelle taxe générale, évidemment inappropriée dans une économie déjà surimposée. Le régime : réel ou forfait ? À la taxe au réel s’est ajoutée en France la taxe forfaitaire, que les communes peuvent lui préférer pour des motifs de simplicité. De fait, si la taxe au réel s’ajoute sur la facture du client au vu de la fréquentation effective, elle sert aussi de source statistique dans de nombreux pays. Mais la taxe forfaitaire n’est pas identifiée dans la facture, ce qui revient à dire non seulement que la collectivité impose à l’entreprise une taxe supplémentaire sur son chiffre d’affaires, mais que la taxe de séjour est elle-même soumise à l’impôt. Pourquoi ne pas réserver la taxe au réel aux catégories d’établissements commerciaux dont la fréquentation est mesurable et limiter la taxe forfaitaire aux meublés, afin de conserver pour cette catégorie l’avantage de la simplicité ? Il importe donc à la fois de corriger des incohérences actuelles et de rendre plus simple et plus lisible le montant final de la taxe pour le client. S’il est hors de propos d’envisager toute nouvelle modification des taux de l’hôtellerie, ceux des autres catégories d’hébergement telles que les meublés, pourraient être réexaminés en liaison avec les modes de perception réellement mis en oeuvre afin de rendre le rapport de ceux-ci aussi performant que dans le parc commercial répertorié, ce qui est loin d’être le cas. L’affectation du produit de la taxe enfin. Rien ne serait possible sans la collaboration des professionnels qui soit la collectent auprès de leurs clients, soit l’imputent sur leur chiffre d’affaires. Trop rares sont les communes qui consultent les entreprises quant aux taux de la taxe et surtout son affectation. Il conviendrait d’instaurer, à chaque niveau de collectivité bénéficiaire, une concertation obligatoire pour déterminer l’affectation de son produit – depuis la capitale qui devrait devenir un exemple jusque dans les petites intercommunalités ? Cette obligation de transparence rendrait plus acceptable par les contributeurs le versement de la taxe, améliorerait donc son rendement et permettrait de s’assurer que son affectation relève bien, à tous les niveaux, d’objectifs de promotion et d’accueil touristiques, en cohérence avec l’ambition nationale d’accroître non seulement le nombre brut des arrivées de touristes étrangers mais surtout leurs retombées économiques sur les territoires, sur les entreprises et l’emploi et sur la balance extérieure du pays.

juristourisme 202 – novembre 2017

BIO EXPRESS : Jean-Luc MICHAUD ANCIEN DIRECTEUR NATIONAL DU TOURISME, PRÉSIDENT EXÉCUTIF DE L’IFT DEPUIS 2007

Chef de l’Inspection générale du tourisme – 2002 juristourisme 202 – novembre 2017Président du Comité régional du tourisme Paris Île de France – 1998Directeur du Tourisme (ministère du Tourisme) – 1989Inspecteur général, secrétaire général du Conseil national du tourisme – 1985

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