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Gouvernances et compétences touristiques

Le tourisme constitue un phénomène en transformation et en développement permanents. Il appelle de ce fait une évaluation et une adaptation continues de ses règles et des outils de sa gouvernance. En outre, il se caractérise par une triple transversalité qui influe directement sur le modes et les choix de sa gouvernance, voire de ses gouvernances :

  • transversalité de la connaissance : il fait appel à des disciplines variées telles que l’histoire, la géographie, l’aménagement et l’urbanisme, le droit, l’économie, l’écologie, la sociologie, l’anthropologie, la psychologie… Cette première transversalité a pour nom l’interdisciplinarité, tant le recours conjoint à plusieurs d’entre elles s’impose, allant parfois jusqu’à la transdisciplinarité ;
  • transversalité de l’action : il associe dans la production comme dans la consommation touristiques des branches d’activité différentes, depuis les transports jusqu’à la culture et aux loisirs, en passant par l’agroalimentaire, le BTP ou les nouvelles technologies de la communication et du numérique : il s’agit en cela d’intersectorialité, caractéristique de l’interdépendance des filières et des acteurs eux-mêmes ;
  • transversalité de l’organisation enfin, qu’il importe de concevoir de façon à définir et atteindre des objectifs stratégiques, fondés sur la connaissance transversale du secteur et l’interdépendance des acteurs, qu’ils soient de nature publique, privée ou associative. Cette organisation transversale à tous les niveaux des gouvernances – internationale et communautaire, nationale, régionale et intrarégionale – implique non seulement une forme d’interministérialité adaptée aux différents échelons, mais aussi une relation de complémentarité/subsidiarité entre ceuxci, notamment en termes de compétences, enfin une relation étroite entre les champs publics, privés et associatifs.Il est ainsi aisé de percevoir l’importance cruciale d’une gouvernance soigneusement adaptée aux lieux et aux temps du tourisme. C’est la raison pour laquelle, dans un pays comme la France, les réflexions sur ce sujet ont été progressivement approfondies et affinées.
GENÈSE DE LA GOUVERNANCE TOURISTIQUE

Depuis l’instauration des congés payés lors du Front populaire avec le sous-secrétariat d’État de Léo Lagrange, puis l’organisation des premiers comités régionaux du tourisme (CRT) nommés par le régime de Vichy, jusqu’au moment présent, marqué par la primauté de la mondialisation, de la communication et les bouleversements du numérique, la notion de réseau s’est affirmée en opérant les maillages nationaux, européens et internationaux indispensables à ces multiples interactions : réseaux territoriaux, réseaux professionnels et interprofessionnels, réseaux associatifs, etc. Avec la construction européenne et la décentralisation, de nouvelles distributions des compétences et des règles se sont imposées dans le champ du tourisme, tandis que la multiplication des obligations et contraintes de toute nature dans notre pays appelait, à défaut de simplifications sans cesse annoncées mais contredites par les faits, des approches mieux coordonnées. Ainsi, outre le renforcement en 1986 du rôle consultatif du Conseil national du tourisme – mais supprimé en 2016 –, les outils d’une gouvernance générale plus cohérente ont été mis en place depuis une trentaine d’années, tels que :

  • au plan interministériel, les réunions périodiques du Comité interministériel du tourisme assorti de conventions interministérielles (tourisme/culture, tourisme/ formation, etc.) et de la création en 1990 du Fonds interministériel du tourisme, lui aussi prématurément « oublié » ;
  • à la suite du premier acte de la décentralisation, la mise en place de contrats de plan État-régions suscitant une convergence des stratégies nationales et régionales en faveur du tourisme, de leur financement et de leur cohérence d’ensemble ;
  • au plan de la répartition territoriale des compétences, la loi sur les CRT de 1986 est elle-même inscrite, depuis la loi du 23 décembre 1992, dans l’architecture générale des compétences touristiques, reliant pour la première fois les compétences touristiques de l’État avec celles des différents niveaux de collectivités et définissant l’articulation entre leurs outils touristiques respectifs.

Afin de favoriser la cohérence et la complémentarité entre compétences, politiques et actions de chacun des niveaux, la représentation de chacun d’eux a été prévue par les textes dans la composition des instances des autres. En outre, les schémas régionaux de développement touristique ont été soumis à consultation obligatoire des conseils départementaux et des comités départementaux du tourisme (CDT) ainsi que des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, eux aussi porteurs de la représentation des partenaires privés et associatifs. Bref, les conditions d’une gouvernance générale du tourisme, reposant sur un système institutionnel en voie de décentralisation et une économie touristique associant public, privé et associatif, ont progressivement pris corps. Elles ont, sur la proposition de l’auteur de ces lignes et avec un vote unanime du Parlement, trouvé leur expression depuis 2006 dans le code du tourisme, tandis que se multipliaient les déclarations d’intention des gouvernants en faveur du développement de ce secteur, scandées par la tenue périodique d’Assises du tourisme donnant lieu à analyses et recommandations. Reconnaissons toutefois que celles-ci, trop souvent répétitives, n’ont guère été suivies des évaluations nécessaires.

DÉBATS RÉCURRENTS De ce fait plusieurs débats récurrents concernent l’organisation de la gouvernance touristique au plan national : domaine relevant du Premier ministre du fait de sa transversalité ? Ou d’un grand ministère disposant soit des leviers de l’aménagement et de l’équipement, soit des leviers économiques et financiers, soit des leviers de la coopération et du rayonnement international ? Ou d’un ministre délégué ou secrétaire d’État dédié (pourquoi pas rattaché au Premier ministre ?). L’un ou l’autre ayant autorité sur une véritable direction ou, mieux encore,sur une délégation interministérielle ? Bien des options existent, dont beaucoup ont été mises en oeuvre, sans qu’une évaluation comparée ne soit venue en tirer les leçons. Débat récurrent aussi quant à la répartition des compétences touristiques entre des niveaux territoriaux bousculés par des réformes générales chaotiques et menées sans véritable vision de long terme. Débat récurrent enfin touchant à l’insuffisance des moyens consacrés au tourisme par les pouvoirs publics dans notre pays, singulièrement au niveau national. L’affichage d’ambitions élevées, par exemple porter durablement à 100 millions le nombre des arrivées de touristes étrangers, accueillir les Jeux olympiques d’été et l’Exposition universelle dans quelques années à Paris et en Île-de-France et surtout accroître les recettes et l’emploi liés au tourisme n’apparaît pas crédible sans l’affectation des moyens correspondants non seulement en termes d’investissements mais aussi de formation, de promotion et d’accueil, sans oublier les outils de connaissance statistiques et économiques indispensables tant à la définition des politiques qu’à l’évaluation crédible de leurs résultats. Rappelons que dès le rapport de la Commission du tourisme du 8e Plan en 1980, il a été recommandé1 la création d’un Observatoire national du tourisme appuyé sur un réseau d’observatoires régionaux placés auprès des CRT. Ce dispositif a été mis en place en 1990 et reconnu par la loi d’organisation territoriale du tourisme du 23 décembre 1992, puis le code du tourisme. L’Office national du tourisme (ONT) a depuis lors été supprimé et l’on pourrait souhaiter sa reconstitution en y intégrant désormais les ressources du numérique. Sauf à considérer que le tourisme peut s’exonérer de compétences professionnelles, de véritables stratégies et des moyens correspondants, ces conditions d’une bonne gouvernance, les premières peut-être, sont les plus négligées. Même si la période récente, sous l’autorité du ministre Laurent Fabius, a pu connaître des éclaircies et ouvrir de nouveaux espoirs, il appartient à présent à son successeur et à la nouvelle majorité présidentielle de répondre aux attentes ainsi créées, avec le concours de tous ceux qui oeuvrent au succès du tourisme français. Les principales organisations professionnelles nationales du tourisme et l’Institut français du tourisme (IFT) se sont réunis à cet effet au sein de la Confédération des acteurs du tourisme (CAT). L’IFT, qui en est l’un des Fondateurs, assure à ce titre le secrétariat du bureau de l’association. Sept « chantiers » prioritaires ont été définis le 20 juillet 2017 et dans ce cadre commun, l’IFT est responsable des propositions relatives à la gouvernance, au financement et à la fiscalité du tourisme qui nourriront le dialogue à venir avec les pouvoirs publics, en accord avec l’ensemble de ses partenaires.

UNE TAXE DE SÉJOUR DÉTOURNÉE DE SON OBJET INITIAL La réduction des moyens budgétaires consacrés par la Ville de Paris à l’action de l’Office du tourisme et des congrès de la capitale peut surprendre, tandis que le produit – considérable et en augmentation – de la taxe de séjour touristique collectée et/ou versée par les hébergeurs – essentiellement les hôteliers – semble détourné pour l’essentiel de son objet au profit d’utilisations qui ne concernent ni l’accueil ni la promotion du tourisme de la capitale. Et ce alors que l’insuffisance notable des transports collectifs et des taxis, comme la saleté des rues et les encombrements automobiles croissants dans bien des quartiers de la capitale, appelleraient l’emploi massif à des fins d’accueil, de mobilité et de promotion des fonds prélevés par la Ville sur le secteur du tourisme, comme c’est d’ailleurs la vocation première de la taxe de séjour dans l’ensemble des collectivités territoriales qui en bénéficient.

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